Interview

Delaire: «Nous admettons sans rougir qu'il y a une âme pop dans notre musique»

Le quartet valencien présente leur projet, une décharge de rock avec des mélodies fredonnables

Publié par Alex Belencoso et traduit par Félix Belencoso - Il y a 8 années
Delaire: «Nous admettons sans rougir qu'il y a une âme pop dans notre musique»

Delaire est une de ces bandes qu'on découvre par hasard, grâce aux réseaux sociaux. Après on les écoute, leur musique nous plaît et puis, par dessus le marché, ce sont des gars rudement superbes. Nous avons eu la chance de partager cet entretien (90% "chat" et 10% "post production") avec leur chanteur, JM Martín.

D'abitude j'aurais demandé quelle est la raison pour laquelle une bande compose dans une autre langue, mais cette fois-ci ça va être à l'envers... Avez-vous choisi l'espagnol depuis le début?

JM: Oui, pour nous c'était clair et net qu'une des plus importantes questions pour prendre plaisir (ce qui est l'esprit de cette bande) c'est de voir que les gens y participent. Cela fait que les gens s'amusent, alors la fête est au comble.

Puis, d'une autre part, bien que je consomme de la musique en anglais et en fait je suis professeur de cette langue, je me suis rendu compte qu'avec le temps une des choses qui m'attirent comme consommateur de musique ce sont les paroles. Ainsi donc il fallait être cohérent. Voilà la raison du choix, dont on a même pas eu le besoin d'en parler.

Je ne sais pas si ça vous est arrivé, mais couramment un des inconvénients quand on chante en espagnol c'est que tout le monde te compare avec un groupe national très reconnaissable, qui leur dise quelque chose... J'avoue que j'ai essayé, sans en être capable, ha ha ha. La question: Vous sentez-vous pionniers dans votre façon particulière de comprendre le rock alternatif espagnol?

JM: Ben... c'est vrai que ça nous est arrivé, je suppose que c'est inévitable. Pas mal de musiciens de scène nous ont comparé avec des bandes étrangères, et beaucoup de non-musiciens nous ont comparé avec des bandes d'ici. Je ne vais pas donner d'exemples, mais le mélange de tout est un cocktail plutôt bizarre.

Quant à la question: non, nous ne nous sentons pas pionniers. Pratiquement tout est inventé, mais nous avons la chance, ça oui de pouvoir faire les choses que nous sommes en train de faire, principalement.

Et vous le faites depuis... Mais en ce qui concerne la musique bien plus longtemps, n'est-ce pas? Quels étaient vos groupes et styles précédents?

JM: Oui, il y a longtemps que nous sommes dans la musique. Moi concrètement depuis mes 18 ans, j'ai joué principalement la basse, quoique j'ai flirté avec des claviers, des guitares et des hurlements dans des bandes psychédéliques de la scène; dans d'autres plus grunge, dans d'autres même death. The Hollow, Kibah, Daze of Dawn ou Non Essential ce sont des projets dans lesquels j'ai été.

Mes copains, du pareil au même, mais sans tous ces changements de style et d'instrument. Jaume a 24 ans et joue depuis ses 15 ans dans des bandes comme Snipers (très hard) ou Tuppergüare (très marrants et très stoner); Javi a aussi joué dans beaucoup de bandes, quelques-unes avec moi; et Kako pareil.

On est là depuis longtemps, mais nous avons toujours fait des histoires plus dures. A présent, je ne sais pas si nous devenons âgés, mais on s'est mis en tête de faire ce que nous avalons: rock accessible.

Pourrait-on dire alors que tu es un bassiste devenu guitariste? Habituellement c'est le contraire...

JM: Oui, et chanteur aussi. Une chose bizarre, mais bon... j'ai tendance à m'ennuyer vite des choses que je fais, je crois que même si j'ai perdu en exécution (pour exécution celle que je mérite, une fois un producteur me dit que Kurt Cobain était Steve Vai à côté de moi) j'ai gagné en amusement. Une chose bizarre, mais pas tellement… pour cela nous y sommes tous, pour prendre notre pied.

Ha ha ha, ok :-) A propos de ce que tu disais de rock accessible, concrètement quelles seraient ces influences directes? Par exemple, qu'est-ce que tu écoutes d'habitude?

JM: Par rock accessible j'entends des trucs comme Foo Fighters, Queens of the Stone Age, Kaiser Chiefs, qui ont beaucoup de mélodie, sans que ce soit excessivement light. J'en suis fana.

Mais j'ai aussi un côté plus drôlatre dans les variants du rock. J'écoute beaucoup Depeche Mode (à mon avis du rock authentique bien qu'il soit fait avec des machines), beaucoup de Tool, beaucoup de Pink Floyd, beaucoup de King Crimson, Sigur Ros, bandes nationales genre Supermosca, Havalina, Dinero... Je peux concilier ce genre de choses, mais je suis ouvert à bien d'autres, pourquoi pas?

Je suppose que ce goût pour les mélodies et l'énergie "positive" c'est le côté pop qui aurait votre musique, n'est-ce pas? J'en parle parce qu'il me semble que dans votre biographie vous définissez votre style comme pop-rock.

Sans vouloir en faire une longue exposition, je réunis deux question en une seule. J'ai l'impression qu'au-delà de ces groupes dont tu as parlé vous vous imbibez d'attitudes plus joyeuses, pas seulement rockeuses, comme celles de quelques bandes du Royaume Uni, comme Franz Ferdinand, pour donner un exemple je ne sais pas si réussi...

JM: Oui, en effet. Quand nous disons que nous faisons du pop-rock c'est parce que nous admettons sans rougir qu'il y a une âme pop dans notre musique. On dirait que parfois il y a un stigmate pour cette étiquette, et même utilisée parfois comme une arme offensive. Le pop c'est ce qui faisaient les Beatles et si on écoute le disque blanc on sait que "ça" c'est du rock.

La frontière n'est guère définie, le pop est peut-être ce que nous avons dans l'esprit: fredonne quelque chose de facile et défoule-toi, libère énergie et rends-la positive. Puis on sait que la distorsion va être là, de mauvais poil, surtout live. Si tu penses à des groupes comme Franz Ferdinand c'est possiblement parce qu'ils n'oublient pas de mélanger les deux choses. Je crois (nous croyons) que c'est une formule sympa.

En réalité nous sommes assez d'accord, sans vouloir te lécher le cul, ha ha ha. Votre disque peut s'écouter gratuitement sur Internet, mais j'ai quelques doutes sur ce travail... Ce sont 17 thèmes?

JM: Non, c'est un problème d'étiquetage de Reverbnation. Ce sont 11 pistes, 10 chansons proprement dites. Ça commence avec 'Aleph', l'intro du disque, et finit avec 'Al Final de lo Normal'. Le reste ce sont des EPs, des singles précédents. Faisons-le facile, ce sont les 10 premières chansons (l'intro ne paraît pas, je le vois maintenant sur le site).

Hum, je comprends, les deux semaines que j'ai utilisées pour me renseigner jetées à la poubelle :-P

JM: Ha! ha! ha!

Ha ha, non, sérieusement... Quel a été le processus d'enregistrement et mixage/mastering de ces 10 thèmes?

JM: On est allé où on nous a envoyé parce que nous avons gagné un concours au niveau local (le Sona La Dipu, organisé par Diputación de Valencia) et il faut dire qu'on a été enchantés. Nous sommes allés au RC Studio avec Pau Cháfer, un monsieur qui es dans le business depuis des siècles (bon, pas autant, il est jeune) et non seulement est un pianiste merveilleux et un producteur expérimenté, mais un être humain génial. Ce fut une expérience très plaisante. Après il fit le mastering et le grand Manuel Tomás, le mixage, un grand à l'extérieur et à l'intérieur, qui a quelque Grammy à la maison.

Ce sont des gens habitués à traiter un autre genre de textures, plus commerciales, mais qui ont fait un travail que nous remercions et nous ont traité d'une façon humaine exceptionnelle.

Ça a vraiment une très bonne mine. Vous avez aussi quelques vidéos, les avez-vous enregistrées avec l'aide d'amis ou peut-être comme résultat d'un autre concours?

JM: Les vidéos c'est une question un peu plus familière. Nous avons eu la direction de deux amis, Marcos Bañó pour 'Escondido' (un single pré-disque) et Ton Agüera pour 'La Tormenta', inclue dans Al Final de lo Normal. Nous ne sommes pas riches, nous voulons des choses faciles, nous savons qu'on peur faire des choses méritoires avec peu de moyens et que c'est une façon de bouger audiovisuellement dans les réseaux, ce qui est assez courant aujourd'hui.

Revenons au sujet des concours, il y a pas mal d'anecdotes, pour et contre. Quelle a été votre expérience comme gagnants de quelques-uns d'entre eux? Vous ont-ils aidé à diffuser votre musique? En plus du disque, évidemment...

JM: L'expérience a été très bonne, mais nous sommes à un moment dans lequel nous entendons que c'est une question révolue. Sona La Dipu nous a bien convenu, aussi le premier Heartbreak Hotel d'Altea), mais on ne peut pas se laisser aller par des choses que nous ne contrôlons pas, ça stresse énormément.

Ça a aidé, nous avons fait partie d'autres bandes et les expériences furent dissemblables, avec des comportements et des jurys incompréhensibles ou directement inconnus, on peut donc dire simplement que nous avons eu BEAUCOUP de chance dans les concours dernièrement. Mais à présent c'est le moment d'essayer un autre genre de choses. Survivre comme bande grâce à la musique, par exemple.

Bien sûr. Et puisque tu en as fait mention, où avez-vous joué dernièrement?

JM: Cet été on a participé le 25 juillet dans le Low Festival de Benidorm et après à Cullera le 8 août en plein air. Maintenant nous allons nous concentrer dans le repos, parce que ça a été une année intensive, faire une bonne programmation pour la prochaine saison dans des salles de l'état et, oui, vivre la joie quotidienne du rock: les petites salles, les fourgonnettes, les sandwichs...

Je crois que c'est la première fois que je lis "sandwichs" à côté d'autres termes habituels de la "mythologie du rock", hi hi ;-)

JM: Ha ha ha, ils sont toujours là.

Et live, quelles guitares, amplis, effets tu portes ou vous portez?

JM: Voyons voir, notre batteur Javi porte toujours des batteries Santa Fe. Kako une basse Gibson Les Paul très puissante avec un Ampeg très chouette aussi, très cool. Jaume porte une Gibson Flying-V et un VOX AC-30, le heavy et le rockeur classique. Moi je ne me creuse pas la tête et porte une Telecaster Thinline avec un ampli Orange Dual Terror, tout très croustillant. A la fin, le son en direct est plus sauvage et plus cru parce que très recherché comme n'importe quel amateur de machins pourrait voir.

Et pour jouer à la maison ou composer, une acoustique ou vous composez dans le local avec électricité?

JM: Il y a de tout dans le monde d'un local de répétition, bien qu'on compose surtout le soir, avec une acoustique, un cahier et quelque chose de bon à boire. Pourtant, quelques thèmes sont partis de riffs qui arrivent au local de répétition. La chose est répartie.

Tu as dit avant qu'en plus de guitariste tu es le chanteur du groupe... Dans ce sens, j'ai l'impression que tu peux chanter avec de différentes nuances qui puissent convenir à la chanson. C'est-à-dire, plus rocker ou plus mélodique, pour simplifier. Est-ce volontiers ou c'est moi qui ai fait le rapport et qui n'a pas trop de sens?

JM: Ha ha ha, non, ça a du sens ce que tu dis, bien que ce ne soit pas recherché. En réalité j'ai une voix très grave. Surement nous devrions ajuster quelque ton en dessous, mais nous sommes comme ça et parfois on travaille tout simplement avec ce qu'on a.

Je m'efforce pour qu'il y ait toujours une mélodie, je l'avoue, je crois que pour moi c'est plus amusant, bien que ce soit difficile de ne pas tomber toujours dans les mêmes et être original. D'autres fois, tout simplement, le corps demande de la rage. Avec ça et le peu d'expérience et les discrets recours, on chante les chansons.

Ecoute, pour finir l'entretien j'ai une question qui va te faire un plaisir spécial...

JM: Voyons voir...

D'où vient le nom du groupe?

JM: Mwahaha!

:-D

JM: Merde alors, c'est classique, il y a amour-haine pour cette question. Non, sérieusement.

Je m'en doutais ;-)

JM: Ça vient de faire une liste avec pas moins de 40 noms et qu'aucun ne te plaise. Et de voir que souvent ils exigent au musicien de payer pour jouer, ou reçoit le mépris de ne pas être payé comme il faut pour son travail. Nous avons pensé à l'expression "vivir del aire" (vivre de l'air) c'était très poétique et très cru, nous avons donc décidé de couper et coudre... et Delaire est apparu. Et jusqu'à présent.

Maintenant ce serait parfait que je dise que j'y avais pensé, ha ha :-)

JM: Ha ha ha

Puisque nous sommes en train de faire histoire à Rockbase avec cet entretien à temps réel et, oh mystère, presque sans nous couper la parole...

JM: Oui, n'est-ce pas? Tout va très bien...

...je voudrais t'en remercier, vous souhaiter beaucoup de succès et te donner le dernier mot pour les adeptes de Delaire, ceux d'aujourd'hui et ceux qui vont arriver dorénavant ;-)

JM: Nous te remercions pour l'entretien, ça a été très cool et très original et nous vous encourageons à continuer avec ce genre de formats qui deviennent très agréables.

Quant aux lecteurs, leur dire que ça vaut la peine de continuer à lire les interviews faites par des gens qui bossent à fond et que peut-être ça vaut aussi la peine d'entrer dans notre web et télécharger notre musique, puisque nos chansons son faites pour être partagées.

Salutations de la part de nous quatre.

Texte: Alex Belencoso / Traduction: Félix Belencoso

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